La Roue du Temps tourne, les Ères se succèdent, laissant des souvenirs qui deviennent légende. La légende se fond en mythe, et même le mythe est depuis longtemps oublié quand reparaît l'Ère qui lui a donné naissance. Au cours d'une Ère, que d'aucuns ont appelée la Troisième, une Ère encore à venir, une Ère passée depuis longtemps, un vent s'élève sur les plaines de Maredo, où les corbeaux survolent encore les frontières nouvellement retracées de Tear et Illian, se repaissant de six années de cadavres, pendant que les hommes de peu pansent leurs blessures, et que les suzerains se contentent d'une paix douloureuse au nom des Aes Sedai, préparant déjà leur prochaine trahison.
Ce vent se transforme en bourrasque, faisant claquer les fières bannières sur les Tours Infinies du Cairhien, dont les yeux sont tournés vers l'Andor et sa capitale, Caemlyn. Les tensions s'aggravent entre les deux nations, escarmouche et incidents diplomatiques ponctuant leurs rapports. Même le mariage de la Fille-Héritière de l'Andor, Tigraine Mantear à Taringail Damodred, neveu du roi Laman du Cairhien, ne suffisait plus à assurer la paix entre les deux plus grandes nations des Terres de l'Ouest, des siècles de rivalités ne pouvant être tûs par huit ans d'alliance et un enfant.
Le vent n'est plus qu'une brise lorsqu'il survole les royaumes voisins les plus faibles, comme le Ghealdan ou le Murandy, renforçant leurs armées et solidifiant leurs alliances, prêts à subir le contrecoup du conflit à grande échelle qui pourrait en résulter.
Il est noyé par l'orage qui gronde en Amadicia, où les Fils de la Lumière voient en ce conflit une nouvelle occasion de mettre fin à la longue tradition d'alliance entre Tar Valon et les reines de l'Andor, quitte à faire de Taringail le premier Roi de la puissante nation, par la force des armes si nécessaire.
Et même les murailles imprenables de la Tour Blanche ne sauraient l'interrompre, ce vent, qui porte la rumeur dans tout Tar Valon, répétant encore et toujours le nom de Dragon, alors que les Aes Sedai se murent dans leur silence comme dans une carapace, se gardant d'intervenir dans les affaires du monde.
Et pendant que tous complotent ou se préparent à la guerre, les Terres Frontalières veillent, le regard porté vers le nord et la Grande Flétrissure, étrangement calme ces derniers mois. Mais leur vigilance ne baissent pas, car tous savent qu'il ne s'agit que du calme avant la tempête.
Ce vent n'est pas le commencement. Il n'y a ni commencement ni fin dans les révolutions de la Roue du Temps. Cependant, c'est bien un commencement.